La révolution agricole de l'après-guerre a conduit à une intensification et une spécialisation de l'agriculture française, grâce au développement de la mécanisation et des intrants industriels (engrais, pesticides) et naturels (eau d’irrigation). La structuration concomitante des filières agro-industrielles a par ailleurs favorisé une spécialisation régionale des productions agricoles pour mieux garantir la quantité et la qualité des approvisionnements. Cette spécialisation s’est accompagnée d’une réduction du nombre d’espèces cultivées et d’un raccourcissement des rotations, l’efficacité croissante des produits phytosanitaires permettant d’atténuer les effets agronomiques négatifs des rotations courtes ou des assolements simplifiés. Cette intensification a été à l’origine d’une baisse significative des services rendus par les agroécosystèmes (avec des impacts sur la qualité de l’eau, la biodiversité…) conduisant à une demande sociétale grandissante de changement du modèle agricole (Kremen et al., 2012a ; Meynard et al., 2013 ; Campbell et al., 2017). À ceci s’ajoute le contexte des changements globaux, notamment le changement climatique, avec la nécessité d’identifier des leviers d’adaptation et de résilience à différents niveaux d’échelle (parcelles, exploitations, territoires).

L’agroécologie comme cadre de référence national des modes de production, mobilise l’ensemble des services écosystémiques et s’avère aussi propice à initier des approches à l’échelle des systèmes de culture et de production pour la mise au point de solutions adaptées. Un des leviers de la transition agroécologique est la diversification des systèmes de production agricole, tant du point de vue temporel (allongement des rotations, introduction de cultures intermédiaires, relay cropping…) que spatial (associations de variétés ou d’espèces, agroforesterie, échanges grandes cultures – élevage à l’échelle de territoires). Les objectifs sont multiples : réduction des pressions de bioagresseurs, résilience vis-à-vis du changement climatique, préservation des ressources, autonomie protéique et bouclage des cycles de l’azote et du phosphore, etc. (Kremen & Miles, 2012 ; Meynard et al., 2013).

Plusieurs projets européens H2020 (DiverIMPACTS, Remix, Legvalue, Diversify…) ont permis de rassembler les organismes français (ou francophones) de recherche et développement autour de la diversification des cultures.

Concernant l’expérimentation par exemple, le périmètre de DiverIMPACTS était l’association « multiple cropping » (semis sous couvert, double cultures, rotations plus longues et combinaisons de ces modalités). L’une des sorties des travaux a permis de déterminer qu’en combinant judicieusement ces pratiques, on améliorait les performances et qu’en cas de trade-offs, un maintien de la production et de la valeur économique est possible dans certaines conditions.

Ces projets sont terminés mais il parait intéressant et nécessaire de poursuivre la dynamique engagée et de faciliter l’appropriation des résultats obtenus par les partenaires de la R&D.

Un groupe thématique a débuté ses travaux en 2024 avec pour objectifs :

• Poursuivre la dynamique engagée
• Capitaliser sur les acquis, outils, connaissances, issus des précédents projets
• Capitaliser sur les dynamiques locales existantes (inventaire des initiatives au niveau national)
• Identifier les besoins potentiels sur des aspects non encore traités, de façon à pouvoir monter ensuite des projets collaboratifs

Animation du groupe : Guénaëlle Hellou (ESA) / Aline Vandewalle (CA Pays de la Loire)

Références :
Campbell, B. M., Beare, D. J., Bennett, E. M., Hall-Spencer, J. M., Ingram, J. S. I., Jaramillo, F., Ortiz, R., Ramankutty, N., Sayer, J. A., Shindell, D., 2017. Agriculture production as a major driver of the Earth system exceeding planetary boundaries. Ecology and Society 22(4):8.
Kremen, C., Iles, A., Bacon, C., 2012. Diversified farming systems: an agroecological, systems-based alternative to modern industrial agriculture. Ecology and Society 17(4): 44
Kremen, C., Miles, A., 2012. Ecosystem services in biologically diversified versus conventional farming systems: benefits, externalities, and trade-offs Ecology and Society 17(4): 40.
Meynard, JM., Messéan A., Charlier A., Charrier F., Fares M., Le Bail M., Magrini MB., 2013. Freins et leviers à la diversification des cultures. Étude au niveau des exploitations agricoles et des filières Rapport d’étude. https://hal.science/hal-03231397